Cumul des mandats

Offrir un nouveau souffle de terrain à notre Parlement

La loi organique n° 2014-125 encadre le cumul des mandats depuis le 14 février 2014. Elle interdit notamment le cumul d’un mandat parlementaire avec celui d’un exécutif local. Si les objectifs de cette interdiction voulue par une précédente législature étaient louables (dégager du temps au parlementaire pour l’exercice de son mandat, assurer le bon fonctionnement de la représentation nationale, permettre l’émergence de nouvelles personnalités politiques, etc.), cette loi n’a pas apporté les résultats espérés pour répondre à la crise démocratique. Au contraire, elle a été, à bien des égards, contre-productive. En effet, la suppression du cumul des mandats a contribué à l’éloignement de l’élu national vis-à-vis du citoyen. Les reproches contre les élus, en particulier les parlementaires se sont depuis accentués, franchissant parfois un seuil inégalé d’agressivité. La déconnexion est palpable sur l’ensemble du territoire. Le mandat de parlementaire est déconsidéré par les citoyens comme par les élus locaux : de nombreux députés – maires, sénateurs – maires ou suppléants – maires ont préféré renoncer au mandat parlementaire pour se consacrer à leur ville quand le choix était devenu inéluctable.

Les élections municipales, les élections départementales en province et encore plus en zone rurale, montrent un attachement important des Français envers les élus qu’ils désignent à ces occasions.

Il nous faut relier ces deux derniers constats, et montrer que la présence de parlementaires maires ou parlementaires vices – présidents d’un département ou d’une région est l’un des moyens, pas le seul, qui peut répondre à cette fracture.

Ce moyen, c’est l’expérience du terrain et c’est le lien.

L’expérience de terrain ne peut que nourrir les réflexions des parlementaires sur leurs travaux législatifs, cette expérience pourrait s’appeler l’expertise d’usage. De la même façon, les liens tissés par les élus locaux et territoriaux ne peuvent que permettre une diffusion de l’information optimisée par le meilleur média qui soit : la proximité. Cette proximité se double d’une véritable relation avec la presse quotidienne régionale, terrain où les maires excellent, terrain où se crée l’opinion.

Si la fracture démocratique qu’éprouve notre pays est ancienne, la crise des Gilets jaunes a démontré, lors de l’automne – hiver 2018/ 2019, que la distance était trop grande entre les élus nationaux et le quotidien vécu des Français. Les parlementaires, toutes tendances confondues, n’ont ainsi ni anticipé, ni vu la colère qui montait et l’incompréhension qui grondait envers notre système politique.

Monsieur Emmanuel Macron : « Quand ils étaient députés ou sénateurs, les maires relayaient au niveau national les choses et réciproquement, il y avait un va-et-vient. »

Face aux revendications multiples et protéiformes des manifestants, les réponses du Gouvernement furent fortes, en premier lieu sur le pouvoir d’achat. Mais, face aux aspirations politiques de ces manifestants, des volontés des Français d’être écoutés, d’être entendus, la solution est venue du terrain. Le Président de la République Emmanuel Macron lança en janvier 2019 le Grand Débat National, après avoir sondé des maires en premier lieu. 

A l’époque, période durant laquelle il avait été reproché aux élus d’être coupés du territoire, le Président de la République avait déjà évoqué l’idée de revenir sur le non cumul des mandats.

En décembre 2021 encore, en déplacement dans le Cher, Monsieur Emmanuel Macron expliquait : « La situation n’est plus la même qu’en 2014 et ce ne serait pas absurde de revenir sur cette loi, car c’est difficile pour les maires après de relayer au niveau national et les députés ont envie d’avoir des responsabilités exécutives. Aujourd’hui l’action de l’Etat est portée par les préfets. Ils réunissent les maires, mais ceux-ci ont le sentiment d’être moins acteurs, il faut veiller à les associer beaucoup plus ».Ces maires sont des chefs d’équipes municipales qui intègrent la diversité politique et citoyenne. Les majorités locales sont généralement plus larges que les frontières partisanes. Les maires sont des fantassins de la République, en prise directe avec les administrés et la réalité du quotidien.

En juin 2022, lors de la dernière séquence électorale législative, plus d’un Français sur deux ne s’est pas déplacé aux urnes (taux abstention 2ème tour : 53,77%).Nos compatriotes sonnent l’alarme en « boycottant » de plus en plus les urnes. Il nous revient d’entendre l’appel des électeurs qui considèrent trop souvent que la politique ne les concernerait plus parce que ceux qui l’exercent ne représenteraient qu’eux-mêmes.

Le président du Sénat, Monsieur Gérard Larcher, confirmait ce vœu en fin d’année 2021.

Monsieur Gérard LARCHER: « En tant qu’ancien maire, je considère que l’expérience au service du local est extrêmement utile dans l’exercice de fonctions parlementaires. »

La proposition de loi que j’ai souhaité proposer avait la volonté de redonner le sens de l’action concrète au Parlement par la valorisation de ce qui fonctionne sur le terrain, la nécessité d’avoir des élus pragmatiques, qui portent les combats de nos concitoyens, sans idéologie, ni militantisme, qui légifèrent sur ce qui est nécessaire et redonnent de la liberté là où l’initiative locale peut faire école. Il s’agit bien là d’un cumul d’expériences, et non d’un cumul d’indemnités ! Le cumul d’expériences nourrit la démocratie.

Si la loi du 14 février 2014 permet aux parlementaires de siéger dans les assemblées délibératives (en tant que conseiller municipal, départemental ou régional), la responsabilité opérationnelle dans un exécutif local ne pourrait qu’être profitable à l’exercice du mandat parlementaire et, au-delà, à la qualité du débat parlementaire.

Cette proposition de loi proposait dans son article unique de revenir sur le cumul des mandats en portant l’autorisation des mandats parlementaires avec des mandats locaux limités. Elle autorisait les maires des communes de moins de 20 000 habitants, les présidents des EPCI de moins de 20 000 habitants, mais également les adjoints au maire, les vice-présidents des départements et des régions à cumuler leur fonction avec un mandat parlementaire.

Ce seuil des 20 000 habitants aurait harmonisé par ailleurs la compatibilité des élus avec celle en vigueur des fonctions de direction des communes (directeurs de cabinet et adjoints, DGS, chefs de service). Ce seuil, qui représente également la limite entre les petites villes et les villes moyennes, parait le plus opportun et le plus cohérent dans notre démarche. Rappelons qu’en France, sur 35 037 communes, 34 546 comptent moins de 20 000 habitants soit 98,59% (source AMF 2014).Aussi, j’ai souhaité proposer une proposition de loi et co signer celle de mon collègue Jean-François LOVISOLO, pour apporter aux deux Chambres des expertises de terrain, un ancrage plus fort, un cumul d’expériences issues de l’exercice de responsabilités locales, pour être en résonance plus directe des réalités vécues de nos concitoyens. Elle permettra, sans revenir à l’état préexistant, de donner un nouveau souffle de proximité aux futures séquences électorales et à notre Démocratie.